"Comme si nos mains, nos
flancs, nos voix, nos âmes
eussent été confondus ! Ainsi,
on nous a vues croître
ensemble,
Comme deux cerises,
apparemment séparées, mais
réunies par leur séparation
même, fruits charmants moulés
sur une seule tige : deux corps
visibles n'ayant qu'un seul
coeur, deux jumelles..."
SHAKESPEARE
Songe d'une nuit d'été
La naissance des soeurs siamoises
L'accouchement avançait parce que
c'est une loi très forte que la
nécessité de naître. Félicie et Lucie
Pellerin, quoique douloureusement,
difficilement, lentement, naquirent.
L'une vint vers le monde en
présentation céphalique, la tête la
première, entraînant, dans un
emmêlement inouï des cordons et
des membres, son double en
présentation transverse, que le
docteur Milhaud tenta de
verticaliser. Il eut beaucoup de mal.
Les vivantes viscosités fuyaient ses
schémas appris en faculté. Une
sensualité gluante, rosacée était à
l'oeuvre et gagnait sur sa raison.
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Le tremblement de terre de 1909
Au même moment, des villages de
Provence non loin enterraient leurs
morts. Parmi eux, au fond de leur
cercueil, ce qu'Adélie Pellerin, dont
le col de l'utérus s'ouvrait, ne
pouvait pas savoir à l'heure où dans
son esprit tournoyaient encore des
prénoms imaginés pour
accompagner un long et bel avenir,
il y avait une Sophie morte à neuf
ans, une Félicie morte à trente-cinq
ans, trois Lucie, mortes à quarante,
à vingt-six, à vingt-trois ans, une
Isabelle morte à huit mois. Dormez
en paix, pauvres victimes de
l'implacable destin, votre souvenir
ne nous quittera pas.
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Comme deux cerises parle d'intériorité, de gémellité, d'amour entre femmes, des
débuts de l'aviation, de la Première Guerre mondiale, de l'Internet, de dessin, de
musique, de liberté, de la population mondiale, de l'espérance de vie, des jumeaux
à Auschwitz et de la peine de mort au Texas, tout cela en deux courtes histoires.